14 mai 2020

Elise Bussaglia : « Pouvoir profiter des plaisirs de la vie »

  • Non classé

A l"image de Florent Balmont, c"est une autre figure du DFCO, au féminin, qui a raccroché les crampons en cette fin de saison pas comme les autres. Dernière interview avec Mme Elise Bussaglia.

Elise, peux-tu nous raconter, au moment de l'annonce de la non reprise du championnat, quelle a été ta réaction ?
C'était un soulagement de savoir parce que je trouvais cela pesant d'être dans l'incertitude, savoir si oui ou non on allait reprendre. J'aime bien planifier les choses et ne pas savoir ce qu'il allait se passer pour les prochains mois, c'était un peu difficile. Le deuxième sentiment a été de l'émotion évidemment, puisque l'annonce de l'arrêt du championnat entrainait l'arrêt de ma carrière. Beaucoup de souvenirs sont remontés à la surface. Se dire que c'était fini, c'était un petit pincement au cœur.
 

T'attendais-tu à cette annonce de l'arrêt du championnat ?
Franchement, je savais que ça allait se terminer comme ça. On sait peu de choses sur cette maladie, il y a beaucoup d'incertitude. La D1 n'est pas professionnelle. Comment cela se serait passé pour nous ? Est-ce qu'on aurait fait des tests ? Comment allaient se dérouler les déplacements ? Comment on se serait entraîné au quotidien ? Ça aurait été compliqué pour nous de reprendre. Je m'attendais à cette décision et j'attendais qu'elle soit prise.
 

Qu'est ce qui prédomine à froid ? La frustration ou la joie d'avoir acquis ce maintien avec Dijon ?
Je ne suis pas frustrée. Après, j'aurais aimé terminer la saison et terminer en sachant que c'était mon dernier match. Après, c'est comme ça. On ne peut pas avoir de regrets non plus car ce n'est pas quelque chose que l'on maitrise. Je suis contente que l'équipe et le club se maintiennent pour la prochaine saison. C'est bien que le staff et les filles puissent de nouveau jouer en première division l'année prochaine.
 

Comment s'est passé ton confinement ?
C'est passé assez vite car Alex, le préparateur physique, nous envoyait des séances à faire quasiment tous les jours. Ça me prenait pas mal de temps. J'avais mon BEF à travailler, préparer mes oraux donc j'étais très occupée. Je me suis occupée aussi de ma fille.
 

Tu auras fait tes derniers pas sur un terrain lors de Metz-DFCO, match hyper important pour le maintien. Que retiens tu de ce match ?
Je retiens l'avant match. J'avais essayé de booster un peu tout le monde dans le vestiaire car on savait que ça pouvait être un tournant. Ça a été un match compliqué. On n'a pas joué non plus un super foot. Il y avait beaucoup d'enjeu. On avait réussi à ouvrir le score assez rapidement, malheureusement on se fait reprendre, mais on arrive à gagner ce match. C'était un match avec de l'émotion. Il y avait ma famille aussi, donc dans un sens, j'ai pu jouer quand même devant ma famille pour le dernier match.

Quel est le meilleur souvenir de ta carrière ?
Ça restera la Coupe du Monde 2011 en Allemagne. On avait un peu d'insouciance, car personne ne nous attendait sur une grande compétition. C'était une des premières. On avait une bonne équipe, on jouait bien au ballon. Ça a été de très bons moments, même si on aurait préféré avoir au moins la médaille de bronze. Mais on a fait un bon parcours. Il y a ce quart de finale assez historique contre l'Angleterre. Cela reste mon meilleur souvenir.
 

Le pire moment ou le regret ?
Le regret, c'est de ne pas avoir gagné de titres avec l'Equipe de France et en club de ne pas avoir gagné la Ligue des Champions. Mais je sais, qu'à chaque fois,  j'ai tout donné. Le pire souvenir, c'est cette demi-finale de Jeux Olympiques 2012 à Londres, car j'ai la balle pour égaliser sur penalty et je ne marque pas. On perd 2-1 ce match.
 

Quelles ont été les personnes (entraineurs, joueuses) qui ont marqué ton parcours ?
J'ai eu beaucoup d'entraîneurs, car j'ai évolué dans beaucoup de clubs. J'ai eu aussi beaucoup de sélectionneurs. Je retiendrai surtout mes années de formation à Clairefontaine parce que ça a été un passage important pour moi et c'est là où j'ai acquis pas mal de choses et de notions tactiques avec un formateur comme Gérard Prêcheur. C'est peut-être celui que je peux sortir du lot, même si sincèrement, ils m'ont tous apporté quelque chose.

Au niveau des joueuses, il y en a eu plein. C'est compliqué de n'en ressortir qu'une car il y a eu des joueuses qui m'ont marqué par leur talent, d'autres par leur esprit d'équipe et leur bienveillance en tant que capitaine. Je pense notamment à Nilla Fischer à Wolfsburg. Il y a aussi des joueuses comme Marinette Pichon qui m'ont marqué parce que c'est la première joueuse que j'ai connu avec un peu de médiatisation. Elle jouait à Saint Memmie, c'était dans ma région. En Equipe de France, il y en a eu plusieurs. Camille Abily, Sonia Bompastor, et dernièrement Eugénie Le Sommer. Ce sont des filles avec qui j'ai noué de bonnes amitiés au fil des années de football. Sabrina Viguier aussi, une fille sur qui j'ai pu compter tout au long de ma carrière pour me guider. Ce sont des filles qui ont été importantes pour moi. Des talents, j'en ai côtoyé aussi beaucoup. Je me souviens, lors de mon arrivée à Lyon, la petite jeune qui commençait à s'entraîner avec nous, c'était Amel Majri. Comme je connaissais les autres, elles ne m'ont pas forcément surprises par leurs qualités, par contre Amel je ne la connaissais pas. Elle n'avait que 16 ans, mais elle m'avait impressionné. A l'étranger, je peux citer Caroline Graham Hansen, Pernille Harder et Alex Popp.
 

Après la Coupe du Monde et ta retraite internationale, tu avais annoncé que c'était ta dernière saison, comment l'as-tu vécu ?
Je l'ai appréhendé avec beaucoup moins de pression que l'Equipe de France quelque part, car c'était la première année que je jouais sans avoir cet objectif. J'étais un peu plus détendue. Même si sur le terrain, mes coéquipières pourront en témoigner, je ne lâchais rien et aux entraînements j'ai haussé le ton 2-3 fois, parce que j'avais du mal à me détacher, mais j'ai essayé de prendre un peu de recul sur cette saison. Je voulais profiter de la dernière saison, prendre du plaisir, et essayer un petit moins de me prendre la tête, prendre les choses de façon positive et vraiment avoir une année de transition avant d'arrêter.
 

Que retiendras-tu de tes 18 mois à Dijon ?
J'ai découvert un club et des coéquipières qui ont envie de bien faire, de se développer et de progresser. Maintenant, je pense que pour qu'elles y arrivent, il faudra encore plus de moyens. Petit à petit, le club évolue mais c'est vrai qu'il va falloir évoluer encore plus vite si on veut laisser cette équipe en première division. Le niveau du championnat s'élève chaque année et il va falloir aider les féminines à exister dans ce championnat et les aider à avoir encore des meilleures conditions de travail.
 

Quelle sera ton après carrière ? As-tu hâte de revenir à une vie un peu plus normale ?
Je suis en attente de savoir si je vais avoir ma mutation dans les Ardennes pour revenir à mon métier de professeur des écoles. Cette année, en parallèle, j'ai aussi passé mon BEF pour éventuellement entrainer. Je verrai si c'est possible. J'ai hâte de profiter de mes proches et de ma famille : pouvoir assister aux anniversaires, aux fêtes de famille auxquelles je n'ai pas pu participer toutes ces années. J'ai aussi hâte de partir en vacances, même si cette année, ça risque d'être compliqué. J'ai envie d'arrêter aussi avec toutes ces contraintes du haut niveau en profitant par exemple d"un barbecue, d"une soirée, … Je me suis mis beaucoup de limites et de freins dans ma carrière au niveau de la préparation invisible, de l'hygiène de vie. J'ai fait beaucoup de sacrifices et de concessions, donc maintenant, je vais pouvoir profiter. Si j'ai envie de faire un autre sport, j'irai sans me dire qu'il ne faut pas car je risque de me blesser ou de perdre de l'énergie. Je vais pouvoir profiter des plaisirs de la vie.
 

Garderas-tu un œil sur la D1 ?
Je vais continuer à suivre le championnat. J'ai noué des amitiés dans ce monde. Je continuerai à encourager mes coéquipières, et je leur souhaite le meilleur. Je continuerai à m'intéresser au foot, car c'est en moi. C'est ma passion et ça le restera, c'est sûr.

partager cet article

À lire aussi